Faire avec presque rien est un mode de vie en Haïti, et pourtant de nombreux survivants au séisme du 12 janvier 2010 ont désormais encore moins que cela. Port-au-Prince a été frappé durement mais la ville est malgré tout animée jour et nuit. Il y a énormément de choses à faire. Certains déblayent les décombres. D'autres collectent l'aluminium ou le bois, d’autres des matériaux et des briques pour faire des abris.
De jeunes garçons haïtiens fabriquent de nouveau leurs cerfs-volants avec de fines baguettes de roseaux ou des brindilles de bois, profilées régulièrement avec une lame de rasoir et coupées à une même longueur d'environ 20 cm.
Ces baguettes sont reliées entre elles par le centre pour former une étoile de 6 ou 8 branches, quelque fois plus. Une fine feuille en plastique de type sacs de pressing est tendue sur cette armature puis fixée avec du fil.
Des bandes en plastique sont nouées pour faire la queue, puis attachées avec du fil à deux points sous l’armature en étoile afin de former un Y. Un autre fil est ensuite attaché au centre du cerf-volant et le reste de la ligne est enroulée sur une boite ou une bouteille.
Les cerfs-volants sont superbes : certains ont des couches de plastique noir et clair formant des diamants ou des étoiles. Certains ont des bords décoratifs, le plastique ayant été coupé au rasoir pour donner des franges « piñata ».
Mais ce n’est pas évident d’attraper le vent dans l'air enfumé. On sait que les cerfs-volants de petite taille sont très difficiles à faire voler, mais ceux-ci sont parfaitement conçus.
Un garçon que j'ai rencontré dans un camp en bas des ruines de la cathédrale catholique de Port-au-Prince, me montre un objet dans le ciel. Les yeux dans le soleil, j'ai mis une éternité à trouver son cerf-volant : un point noir furtif au-dessus des clochers brisés.
Les organismes de secours ont donné des bâches qui peuvent abriter maintenant des dizaines de milliers de familles, mais ils ne les ont pas toutes installées.
Au Club de Pétionville, seul terrain de golf de la capitale, ont été installés des centres médicaux, des toilettes, des tentes et des salles de classe. Mais aussi un cinéma de quartier, un marché, des salons de manucure, de coiffure et une discothèque.
Une manière de continuer à vivre pour les enfants est de faire voler les cerfs-volants. Les fabricants de cerfs-volants traversent les camps avec de qrande quantité de plastique, suivis par de jeunes enfants, tous un peu perdus, mais cet instant reste pour eux le plus important du monde.
Les cerfs-volants fabriqués, les combats de cerfs-volants commencent. D’un coup sec ils coupent les lignes des autres et les cerfs-volants coupés tourbillonnent et tombent en vrille.
Quand un enfant coupe le cerf-volant de son adversaire, il gagne le combat et c’est une explosion de joie. C'est l'un des rares signes de joie que vous voyez en Haïti.
Crédit texte : Extrait du Los Angeles Times par Lawrence Downes
Crédit photos : Logan - Brian Vander Brug - Lawrence Downes